Né d’aucune femme, de Franck Bouysse

Né d'aucune femmePar l’éditeur :

Par l’éditeur :  » Mon père, on va bientôt vous demander de bénir le corps d’une femme à l’asile.
— Et alors, qu’y-a-t-il d’extraordinaire à cela ? demandai-je.
— Sous sa robe, c’est là que je les ai cachés.
— De quoi parlez-vous ?
— Les cahiers… Ceux de Rose. »
Ainsi sortent de l’ombre les cahiers de Rose, ceux dans lesquels elle a raconté son histoire, cherchant à briser le secret dont on voulait couvrir son destin. Franck Bouysse, lauréat de plus de dix prix littéraires, nous offre avec Né d’aucune femme la plus vibrante de ses oeuvres. Ce roman sensible et poignant confirme son immense talent à conter les failles et les grandeurs de l’âme humaine.

Mon Avis : Ce livre, tout le monde en parle.

Bah moi aussi.

J’ai relu quatre fois de suite le premier chapitre. La plume de Franck Bouysse m’a immédiatement ferré. Les premières lignes sont pourtant énigmatiques, et le voile ne sera levé sur leur signification que bien plus tard dans le récit. Les personnages de ce roman noir semblent tirer d’un conte, d’un conte d’avant, avant que Walt Disney n’y déverse des tombereaux de guimauve. Il y a d’abord la jeune fille, l’enfant, propulsée dans un monde de violence et d’horreur. Il y l’ogre, la sorcière, la femme alitée plongée dans un sommeil sans fin. Et il y a cette misère qui colle aux pas des petites gens, des miséreux, des sans le sous.

J’ai lu quelque part un parallèle entre le roman de Franck Bouysse et celui de Hervé Le Corre, « Dans l’ombre du brasier », sortis tous deux en début d’année. Tous les deux en effet nous parlent de notre temps en les situant à la fin du XIXème siècle. Si celui d’Hervé Le Corre se déroule dans un temps et une géographie précise, le Paris de la semaine sanglante qui sonna le glas de la Commune celui de Franck Bouysse est plus flou sur les lieux où il se déroule, et l’époque est plus devinée que clairement dite.

Ces livres nous parlent de l’arrogance de la bourgeoisie, de cette aristocratie de l’argent usant et abusant de ceux et celles qui n’ont rien (qui ne sont rien, dirait certain).

Les deux livres nous parlent de celles, malheureuses parmi les malheureux, qui ont eu la « malchance » de naître femme. Des hommes les aiment mais ne peuvent rien pour elles. D’autres abusent d’elles, profitant de cette impunité qui sert tant la mâle condition.

L’ogre de Franck Bouysse est un gras propriétaire, patron d’une manufacture que l’on ne voit que vide d’ouvrier, vivant avec sa mère, la sorcière du conte, sèche et haineuse, dans un manoir caché dans la forêt, offrant pour décor aux malheurs de Rose l’aspect gothique que vient parachever la gisante, à l’étage, femme allongée, sans mouvement et dont le sort n’est pas plus enviable que celui de la jeune fille, sauf à considérer la mort comme une délivrance. Rien ne sera épargné à Rose, pas même la lâcheté d’Edmond, le palefrenier, enfermé dans sa servitude.

Si l’histoire de Rose est effroyable, et si la fin sacrifie à l’air du temps qui veut qu’un livre n’a pas le droit de « finir mal » (je pense à « My absolute Darling », au demeurant sublime premier roman de Gabriel Tallent), c’est avant tout l’écriture de Franck Bouysse qui emporte tout. La voix de Rose, hésitante, parfois chaotique, souvent poétique, trouve dans les mots le salut qu’aucun humain n’est en mesure de lui apporter. L’écriture est absolument magnifique, ciselée par un orfèvre dont chaque phrase, chaque mot charrie son lot d’émotions, de peur, de tendresse, de lumière. j’ai été totalement envoûté par cette écriture qui sublime tout ce qu’elle dépeint, d’un potager sous le soleil jusqu’à la plus cruelle des conditions.

Si certains ont pu ne pas aimer la cruauté du récit, d’autres l’éveil, malgrès l’horreur, des sens d’une jeune fille de 14 ans, ou autre chose encore, j’y ai trouvé pour ma part une célébration de la voix et des mots, rivages salvateurs pour une enfant qui ne possède rien d’autre, une célébration qui s’offre l’écrin parfais pour la servir, l’écriture de Franck Bouysse.

Titre : Né d’aucune femme
Auteur : Franck Bouysse
Éditions : La Manufacture de Livres
Date de parution : 10/01/2019
Nbr de pages : 336
Prix : 20,90

Publicité

3 commentaires

  1. Sublime retour de lecture…on sent la passion dans ta plume. J’en viens même à regretter de ne pouvoir plonger le groin dedans, la cruauté chez moi a beaucoup de mal à passer. Je t’embrasse!

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s